Si l’annulation d’un crédit lié entraîne par principe une obligation de restitution des sommes versées, il en va différemment lorsque le prêteur a commis une faute lors du déblocage des fonds. 

Dans une récente décision du 25 novembre 2020, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a saisi l’occasion d’illustrer la protection accordée à l’emprunteur-consommateur en matière de crédit affecté (Cass., 1e Civ., 25 novembre 2020 n°19-14.908 FS-PBI ; confirmation de Cass. 1re Civ. 14 novembre 2019 n°18-20.459 F-D). 

En effet, en cette matière, les conséquences pour l’emprunteur peuvent s’avérer désastreuses. 

L’enseignement principal de la décision précitée réside dans l’absence d’obligation pour l’emprunteur de restituer le capital prêté suite à la disparition du contrat de crédit consécutive à la résolution judiciaire du contrat principal financé, à la condition que le prêteur ait commis une faute lors du déblocage des fonds. 

Par définition, le crédit affecté est celui qui est conclu pour financer une vente ou une prestation de service déterminée (C. consom., art. L. 311-1, 11°). En raison de cette finalité, le législateur a organisé l’interdépendance de ces contrats. Ce principe d’interdépendance est, selon les magistrats du Quai de l’Horloge, d’ordre public si bien que les parties elles-mêmes ne peuvent pas y déroger (Cass. 1re Civ. 26 novembre 1991, n°90-13.791). Il s’agit de nouveau de protéger le consommateur, partie faible au contrat.

L’interdépendance entre le contrat de crédit et le contrat principal financé par celui-ci, se manifeste par des dispositions prévoyant que la remise en cause du premier doit nécessairement entrainer celle du second. Par exemple, le refus d’octroi d’un crédit entrainera la remise en cause du contrat de vente qu’il devait financer. Il s’agit d’une pratique usuelle en matière de vente immobilière.

En sens inverse, les dispositions légales disposent que l’anéantissement du contrat financé entraine, du fait de l’interdépendance, celui du contrat de financement. C’est le cas de l’article L.312-55 du Code de la consommation qui dispose que le contrat de crédit est « résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé ». 

Mais, cet effet ne se produit que si le prêteur est intervenu à l’instance ou que s’il a été mis en cause par le vendeur ou l’emprunteur (C. consom., art. L. 312-55, al. 2, anc. art. L. 311-32). Dit autrement, le prêteur doit être partie au procès en résolution ou en annulation du contrat principal, ceci afin que le jugement rendu lui soit opposable, conformément aux principes généraux du droit.

Le consommateur qui souhaite contester la validité du contrat de vente ou de prestation de service devra être précautionneux et appeler le prêteur en la cause. 

Le cas échéant, puisque le contrat de crédit a disparu de manière rétroactive par l’effet de la nullité ou de la résolution, l’emprunteur droit rembourser le capital qui a été versé par l’établissement de crédit, y compris lorsque ce montant a été versé directement au vendeur ou au prestataire de service (Cass. 1re  Civ. 9 novembre 2004 n°02-20.999 f-PB).

Comme indiqué ci-avant, cette règle est dangereuse pour le consommateur. Quid en effet dans l’hypothèse où le vendeur ou le prestataire de service n’a plus d’existence juridique ou, tout simplement, n’a pas la faculté de restituer les fonds par exemple en raison d’une procédure de liquidation judiciaire ouverte à son encontre ?

Néanmoins, et fort heureusement, l’emprunteur est déchargé de toute obligation de restitution du capital en cas de faute de l’établissement prêteur lors de la remise des fonds. En cela, la Cour de cassation confirme une jurisprudence protectrice du consommateur (Cass. 1re Civ. 9 novembre 2004 précité, Cass. 1re Civ. 16 janvier 2013 12-13022 – Cass. 1re Civ. 14 novembre 2019 n°18-20.459 F-D). 

Dans l’espèce objet de la décision du 14 novembre 2019, un particulier avait fait l’acquisition d’une installation photovoltaïque financée par crédit. Après résolution judiciaire de la vente ayant entrainé la disparition du contrat de financement interdépendant, la banque a donc logiquement demandé le remboursement du capital prêté.

Cependant, le prêteur s’était rendu coupable d’une faute lors du déblocage des fonds et sa demande a donc été rejetée. En effet, l’établissement de crédit avait libéré le capital au vu d’un document signé par l’emprunteur qui ne faisait « pas état de la nature du matériel vendu ni des travaux et prestations », et « insuffisamment précis pour rendre compte de la complexité de l’opération financée et du fonctionnement de l’installation vendue ». En conséquence, de l’avis de la Haute juridiction, l’emprunteur n’a pas l’obligation de restituer le capital prêté. 

Il reste que l’obligation de restitution demeure entière si les documents répondent aux exigences posées par les magistrats en termes de précision et de description de l’opération financée…. La solution pour les consommateurs, pourrait résider dans la souscription d’une assurance prévoyant le cas de figure.